Le 9 mai, la “Conférence sur l’avenir de l’Europe” a été ouverte par une déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Selon cette déclaration, la conférence doit servir de plateforme pour les pensées, les idées et les propositions des citoyens européens concernant les défis tels que le changement climatique, la numérisation, la migration, l’égalité, la santé, etc. Et il est convenu que les recommandations seront respectées. Mais il y a toujours un risque que cette conférence devienne une autre opportunité manquée et reste une promesse purement décorative, à moins qu’il n’y ait réellement un processus participatif et démocratique assurant la participation des citoyens et l’implication des mouvements sociaux, des syndicats et des partis politiques.
Pour la gauche européenne, cette conférence est l’occasion de présenter sa vision de l’avenir de l’Europe. Nous avons rédigé un document dans lequel nous présentons nos principaux arguments. Le point de départ est le constat que l’Europe est toujours plongée dans une profonde crise économique, sociale et politique, que la pandémie ne fait qu’exacerber. Au cours de la pandémie, il est devenu évident que la politique néolibérale prédominante n’est pas en mesure d’aborder la crise de manière appropriée et que nous avons besoin d’un changement radical dans la politique européenne. Tout d’abord, la pandémie doit être combattue. C’est pourquoi la Gauche européenne soutient fermement l’initiative citoyenne européenne “Right2Cure” pour un accès gratuit aux vaccins et pour faire du vaccin un bien commun. Il faut également combattre les effets économiques et sociaux dramatiques de la pandémie en mettant notamment en place un plan d’aide pour les travailleurs et leurs familles.
Même la Commission européenne et les gouvernements européens ont suspendu certains éléments essentiels de la politique d’austérité néolibérale comme le pacte de stabilité et de croissance et ont mis en place un fonds de relance doté de 750 milliards d’euros. Cela pourrait être le point de départ d’une véritable reprise économique qui ferait également face aux défis écologiques tels que le changement climatique. Un élément clé pour nous est la transformation sociale-écologique ou un Green New Deal de gauche. Nous avons besoin d’une révolution verte de l’industrie combinant les besoins écologiques et sociaux. Un New Deal vert de gauche doit aller de pair avec l’expansion des droits des travailleurs. Le récent sommet social organisé par les syndicats avec la demande d’un protocole social contraignant est un point de référence.
Il est impossible de parler d’un engagement européen concret dans la dimension sociale de l’Europe si tous les systèmes de protection sociale, y compris les pensions et les salaires, ne sont pas calibrés selon les normes les plus élevées.
La pandémie a démontré l’échec des politiques néolibérales. L’ère des politiques d’austérité touche à sa fin. La gauche européenne doit se présenter comme le protagoniste d’un changement radical de la politique européenne. Une telle politique différente, orientée vers l’intérêt du peuple, ne peut pas être basée sur les traités existants. Les traités de Maastricht et de Lisbonne ne constituent pas une base pour une Europe sociale, démocratique, écologique et pacifique. Ils doivent être modifiés. C’est la responsabilité de la gauche d’ouvrir la voie à ce changement.
Pour ce faire, une gauche européenne forte est nécessaire. Malheureusement, la gauche n’est pas en bonne forme. La gauche est confrontée à des temps difficiles.
Dans les pays nordiques, les partis de gauche sont relativement stables. Dans certains pays comme la France, la gauche est fragmentée ou divisée. En Italie, la gauche est terriblement faible. En Allemagne également, la gauche perd du terrain tout en restant une force politique importante. Mais il y a aussi des partis comme le Ptb en Belgique ou le Bloco de Esquerda au Portugal qui sont en progression. Et il ne faut pas oublier que Syriza en Grèce, malgré quelques pertes, reste, avec Akel à Chypre, le plus grand parti de gauche en Europe.
Afin de sortir de cette situation et de reprendre des forces, il est nécessaire que la gauche ait une stratégie politique claire et surmonte ses divisions. La conférence sur l’avenir de l’Europe est une bonne occasion d’intensifier un tel débat stratégique. Le Parti de la Gauche Européenne s’engage dans ce débat. Nous sommes également engagés en faveur d’une coopération plus forte entre la gauche et les forces politiques progressistes, pour laquelle le débat sur l’avenir de l’Europe pourrait également être utile. Dans ce contexte, je voudrais faire référence au Forum européen annuel que nous organisons avec d’autres forces progressistes et écologiques et qui est également une plateforme de débat et de coopération.
Comme nous l’avons déjà dit et dans notre document pour la conférence sur l’avenir de l’Europe, les éléments clés d’une vision de gauche sont une politique de protection des personnes, de renforcement des droits sociaux, de défense de la démocratie et de transformation socio-écologique. Un autre axe est la paix et le désarmement, pour lesquels la gauche européenne est fortement engagée. Nous sommes confrontés à une situation alarmante avec le risque d’une nouvelle guerre froide. Le récent sommet de l’Otan à Bruxelles était axé sur la Chine, considérée comme un rival systémique. L’Otan s’est présenté comme un élément de la stratégie géopolitique des Etats-Unis, en quête de suprématie dans le monde. La gauche européenne a soutenu le sommet anti-Otan organisé par le réseau international “Non à la guerre – Non à l’Otan” en condamnant ses dangereux plans d’expansion. Nous sommes strictement contre une militarisation de l’Union européenne. L’engagement pour la paix et le désarmement et l’engagement pour un New Deal vert de gauche sont fortement liés. Lutter contre la militarisation signifie également lutter contre la crise climatique, car la guerre et les exercices militaires sont les plus grands dommages causés à l’environnement.
Avec cette édition de Quistioni, nous voulons contribuer à un large débat sur le développement futur de l’Europe. Il s’agit également d’une contribution au développement d’une stratégie politique globale pour la gauche en Europe.
Heinz Bierbaum est président du Parti de la gauche européenne. Il est sociologue et économiste.